Le rapport sénatorial
Causes de décès
– Nombre de décès
– Taux comparatifs
– Survie à 5 ans
La France se caractérise par une mortalité encore excessive avant 65 ans : 119.000 décès sur 520.000 en 1994, soit près d’un quart. Sur ces 119.000 décès prématurés, 45.000 sont dus au cancer, qui est le facteur majeur de cette surmortalité des adultes.
Nombre de décès par cancers et autres tumeurs en 1994
Siège du cancer ou type de tumeur
|
Avant 65 ans
|
Après 65 ans
|
Tous âges
|
Bouche, pharynx, larynx et œsophage |
7.946
|
7.521
|
15.467
|
Estomac |
1.173
|
5.127
|
6.300
|
Intestin et rectum |
3.296
|
14.052
|
17.347
|
Foie et vésicule biliaire |
1.766
|
4.741
|
16.508
|
Pancréas, rein et vessie |
3.371
|
11.242
|
14.613
|
Poumons |
9.330
|
14.764
|
24.094
|
Sein et organes génitaux |
7.314
|
21.183
|
28.497
|
dont prostate |
700
|
9.038
|
9.738
|
sein (femmes) |
4.339
|
6.978
|
11.317
|
utérus |
1.032
|
2.217
|
3.249
|
ovaire |
1.039
|
2.331
|
3.370
|
Peau, os, tissu conjonctif et système nerveux : |
3.250
|
4.050
|
7.300
|
Tissus lymphatiques et hématopoïétiques |
3.140
|
8.719
|
11.859
|
Autres tumeurs |
4.720
|
15.019
|
19.739
|
dont cancers de siège mal défini |
2.987
|
9.254
|
12.240
|
Toutes tumeurs |
45.305
|
106.417
|
151.723
|
Les 45.000 décès par cancers avant 65 ans survenus en 1994 sont d’abord dus au tabac et à l’alcool poumon, bouche, pharynx, larynx, œsophage, pancréas, rein, vessie, foie et vésicule biliaire. L’alcool n’est sans doute pas étranger aux décès précoces par cancers de l’intestin et du rectum. Les cancers des organes génitaux provoquent 7.300 morts prématurées, surtout féminines.
Dans le passé, l’augmentation de la mortalité par tumeurs, en dépit des progrès thérapeutiques, résultait de l’augmentation de l’incidence, c’est-à-dire de la fréquence des personnes atteintes chaque année. Celle-ci est actuellement estimée à 221 .000 cas par an. L’explosion des cancers bronchiques est directement liée à l’augmentation de la consommation de tabac dans les années 1960 et 1970.
Le tassement de la mortalité tumorale observé depuis 1988 est lié aux progrès de la médecine et aux facteurs comportementaux : stabilisation du tabagisme masculin, baisse de l’alcoolisme, changement des comportements alimentaires, meilleure auto surveillance.
Les progrès diagnostiques expliquent une part de l’accroissement apparent de la mortalité par cancer, auparavant sous estimée. Ainsi, la multiplication par trois en dix ans du nombre des tumeurs intracrâniennes résulte surtout des progrès de l’IRM.
Mais, globalement, l’accroissement relatif de l’incidence du cancer est une conséquence inévitable de l’allongement de la durée de vie et de la diminution de l’incidence des autres pathologies. En effet, il s’agit d’une maladie dégénérative, qui ne peut que progresser à mesure du vieillissement de la population et du recul des autres causes de décès.
En dépit de sa part dans la mortalité prématurée avant 65 ans, le cancer est d’abord une maladie de personnes âgées. En l’an 2000, un cancer sur deux se déclarera chez des personnes âgées de plus de 70 ans. Mais la comorbidité est fréquente et nombre des personnes atteintes du cancer décèdent d’une autre maladie avant que l’évolution de leur tumeur ne devienne fatale.
Taux comparatifs pour 1000 personnes
|
Nombre de décès en 1994
|
||||||||
Cause de décès
|
Taux en 1950
|
Variation 1950-1970
|
Variation 1970-1990
|
Variation 1990-1994
|
Variation totale
|
Taux en 1994
|
Avant 65 ans
|
Après 65 ans
|
Tous âges
|
>Maladies infectieuses (a) |
3.25
|
-2.20
|
-0.47
|
-0.02
|
-2.69
|
0.57
|
8967
|
35383
|
44350
|
dont sida |
–
|
–
|
+0.05
|
+0.04
|
+0.09
|
0.09
|
4994
|
164
|
5158
|
Cancers et autres tumeurs |
2.21
|
+0.14
|
+0.03
|
-0.09
|
+0.08
|
2.29
|
45305
|
106417
|
151723
|
Maladies cardiovasculaires |
5.80
|
-1.41
|
-1.97
|
-0.27
|
-3.65
|
2.15
|
17761
|
162163
|
179924
|
Dont cardiopathies |
3.37
|
-0.97
|
-0.95
|
-0.14
|
-2.05
|
1.32
|
11395
|
97473
|
108868
|
Autres maladies cardiovasculaires |
0.54
|
-0.12
|
-0.11
|
-0.02
|
-0.25
|
0.29
|
2469
|
21212
|
23682
|
Maladies de l’appareil digestif et alcoolisme (troubles mentaux) |
0.64
|
+0.18
|
-0.36
|
-0.06
|
-0.23
|
0.40
|
9577
|
18444
|
28021
|
Anomalies congénitales et affections périnatales |
0.40
|
-0.16
|
-0.16
|
-0.01
|
-0.33
|
0.06
|
2849
|
165
|
3014
|
Autres maladies (b) |
0.82
|
+0.03
|
-0.01
|
-0.06
|
-0.03
|
0.78
|
8145
|
56149
|
64295
|
Traumatismes |
0.79
|
+0.24
|
-0.22
|
-0.08
|
-0.06
|
0.73
|
26169
|
22469
|
48638
|
Dont accidents de véhicules à moteur |
0.09
|
-0.17
|
-0.08
|
-0.04
|
+0.06
|
0.15
|
7376
|
1693
|
9069
|
Autres accidents |
0.50
|
+0.06
|
-019
|
-0.06
|
0.18
|
0.32
|
7254
|
16938
|
24193
|
Suicides |
0.19
|
+0.01
|
+0.04
|
+0.01
|
+0.06
|
0.24
|
10735
|
3743
|
14478
|
Toutes causes |
13.91
|
-3.17
|
-3.16
|
-0.60
|
-6.93
|
6.99
|
118774
|
401191
|
519965
|
Les maladies infectieuses décroissent fortement jusqu’au milieu des années quatre-vingt ; le sida et l’hépatite virale font alors remonter la courbe. Malgré ce retournement, leur taux comparatif de mortalité a diminué de 83 % entre 1950 et 1994. Les anomalies congénitales et causes périnatales connaissent une réduction d’ampleur comparable. Les maladies cardio-vasculaires ont également beaucoup décliné : moins 63 % de 1950 à 1994. La chute s’est accélérée à partir de 1970, et plus encore depuis 1985.
Le recul de ces maladies a modifié le cours de la baisse séculaire de la mortalité : jusqu’en 1970, celle-ci a surtout concerné les jeunes, depuis, elle concerne majoritairement les personnes âgées.
La mortalité par les autres grandes causes a augmenté de 1950 jusque vers 1970, voire 1987. Les cancers sont dans ce dernier cas. Ces mouvements contrastés ont bouleversé la hiérarchie des causes de décès. De 1950 à1994, selon les taux comparatifs de mortalité, les maladies cardio-vasculaires sont passées du 1er rang au 2e, les maladies infectieuses du 2e au 5e rang, et les cancers du 3e rang au 1er rang. Les autres maladies et les traumatismes sont passés, respectivement, des 4e et 5e rangs aux 3e et 4e rangs.
Les progrès thérapeutiques ont été réels pour certains types de cancers. Ainsi, 70 % des cancers de l’enfant et près de 90 % des leucémies sont désormais guéris.
Environ 50% des cancers de la femme sont guéris à la condition d’un diagnostic précoce. De même, alors qu’un tiers seulement des cancers se déclarant avant l’âge de 60 ans étaient guéris il y a vingt ans, 50 % le sont aujourd’hui.
Toutefois, les succès rencontrés dans le traitement de certains cancers spécifiques ne suffisent pas à contrebalancer l’échec thérapeutique persistant pour les cancers les plus fréquents, tels ceux du poumon, du colon, ou du pancréas, qui demeurent incurables. Le tableau ci-dessous montre que les taux de survie à cinq ans sont extrêmement variables selon la localisation de la tumeur.
Survie à cinq ans des principaux cancers
Siège du cancer ou type de tumeur
|
Avant 65 ans
|
Après 65 ans
|
Tous âges
|
Bouche, pharynx, larynx et œsophage |
7.946
|
7.521
|
15.467
|
Estomac |
1.173
|
5.127
|
6.300
|
Intestin et rectum |
3.296
|
14.052
|
17.347
|
Foie et vésicule biliaire |
1.766
|
4.741
|
16.508
|
Pancréas, rein et vessie |
3.371
|
11.242
|
14.613
|
Poumons |
9.330
|
14.764
|
24.094
|
Sein et organes génitaux |
7.314
|
21.183
|
28.497
|
dont prostate |
700
|
9.038
|
9.738
|
sein (femmes) |
4.339
|
6.978
|
11.317
|
utérus |
1.032
|
2.217
|
3.249
|
ovaire |
1.039
|
2.331
|
3.370
|
Peau, os, tissu conjonctif et système nerveux : |
3.250
|
4.050
|
7.300
|
Tissus lymphatiques et hématopoïétiques |
3.140
|
8.719
|
11.859
|
Autres tumeurs |
4.720
|
15.019
|
19.739
|
dont cancers de siège mal défini |
2.987
|
9.254
|
12.240
|
Toutes tumeurs |
45.305
|
106.417
|
151.723
|
De l’ordre de 90 %
|
Supérieure à 60 %
|
de 40 à 60 %
|
Inférieure à 40 %
|
Testicule Hodgkin stade 1-11 Leucémie aigue lymphoblastique |
Hodgkin stade Ill- IV Lymphomes non hodgkiniens nodulaires Sein Utérus, col et corps Ovaire Côlon Thyroïde Peau Lèvre |
Rhinopharynx Glandes salivaires Rectum Rein Prostate Vessie Os et sarcomes tissus mous Lymphomes diffus Leucémies chroniques Astrocytomes Médulloblastomes Médulloblastomes |
Langue Oropharynx Larynx Sinus Oesophage Estomac Pancréas Vésicule Intestin grêle Bronches Glioblastomes Myélomes |
En fait les progrès les plus sensibles de la lutte contre le cancer résident dans l’amélioration des conditions de survie et du confort des patients.
La chirurgie est devenue moins invalidante, les radiothérapies sont plus finement dosées, et les chimiothérapies mieux tolérées.
Cette situation d’échec thérapeutique explique sans doute que le cancer reste une maladie dramatisée, et souvent encore honteuse, à la différence des maladies cardio-vasculaires. Elle signifie également la fin de l’illusion du quantitatif : il n’a pas suffi de « mettre le paquet » pour faire progresser de manière décisive la lutte contre le cancer ; les espoirs fondés dans les années 1970 sur la biologie moléculaire n’ont pas abouti.
SENAT
RAPPORT D’INFORMATION 31 ( 98-99 )
COMMISSION DES FINANCES
La politique de lutte contre le cancer
M. J.Oudin rapporteur