L’expertise menée par l’Anses conclut à une relation causale avérée entre le risque de survenue des cancers du larynx et des ovaires et l’exposition professionnelle à l’amiante. L’ensemble des éléments scientifiques de cette expertise apportent des éléments en faveur de la création de tableaux de maladie professionnelle dans les régimes agricole et général. Ceux-ci faciliteraient la reconnaissance et la prise en charge de ces deux maladies. Cette reconnaissance apparaît d’autant plus importante que les patients, comme les médecins, ne font souvent pas le lien entre la survenue de ces cancers et l’exposition à l’amiante.
Les cancers broncho-pulmonaires et de la plèvre (mésothéliome) sont actuellement les seuls cancers faisant l’objet d’un tableau de maladies professionnelles en lien avec l’exposition à l’amiante. Ils ne sont cependant pas les seuls cancers pouvant être provoqués par ces fibres : depuis 2012, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) considère que le lien causal entre les cancers des ovaires et du larynx et l’exposition à l’amiante est avéré.
L’Anses a été saisie pour apporter aux pouvoirs publics les éléments scientifiques permettant d’envisager la création de tableaux de maladies professionnelles pour ces deux cancers.
Des maladies professionnelles sous-déclarées et sous-reconnues
D’après les données fournies par la Caisse nationale d’assurance maladie, seules 130 demandes de reconnaissance du cancer du larynx en maladie professionnelle associée à l’exposition à l’amiante ont été examinées entre 2010 et 2020. Durant cette même période, six demandes de reconnaissance de cancers des ovaires ont été déposées. D’après l’analyse des données recueillies dans cette expertise, ces cancers liés à une exposition professionnelle à l’amiante sont sous-déclarés et sous-reconnus.
« Lorsque nous avons auditionné des professionnels de santé dans le cadre de cette expertise, nous nous sommes aperçus que malgré sa reconnaissance par le CIRC depuis dix ans, le lien entre les cancers du larynx et des ovaires et l’exposition à l’amiante était très peu connu. L’amiante étant couramment associé aux cancers des poumons et de la plèvre, ni les médecins ni les malades ne font le lien avec d’autres cancers.», explique Alexandra Papadopoulos, chargée de projet dans l’unité Évaluation des risques liés à l’air et coordinatrice de l’expertise.
Création de tableaux de maladies professionnelles : les recommandations de l’Anses
Au vu des nombreuses études scientifiques de qualité montrant un lien entre les cancers du larynx et des ovaires et l’exposition à l’amiante, l’Anses conclut que le lien causal est avéré, ce qui constitue un argument fort en faveur de la création de tableaux de maladies professionnelles pour ces deux cancers.
Selon l’Anses, la création d’un tableau de maladie professionnelle faciliterait la reconnaissance de ces cancers, et donc l’indemnisation des malades, en permettant de reconnaitre automatiquement le lien avec une exposition professionnelle à partir du moment où le demandeur remplit les conditions définies par le tableau.
« Actuellement, il est déjà possible de faire reconnaître ces cancers en tant que maladie professionnelle, mais cela demande à la victime d’apporter la preuve du lien entre le cancer et son travail. Ces conditions sont bien plus restrictives qu’avec un tableau de maladie professionnelle. » précise la coordinatrice.
Le groupe de travail de l’Anses a formulé ses préconisations concernant les conditions d’exposition à l’amiante et les méthodes de diagnostic des maladies qui pourraient servir à créer les tableaux de maladies professionnelles. Il appartient désormais à l’État de décider de la création de ces tableaux, dans les régimes général et agricole, après avis des commissions de maladies professionnelles.
De nombreux secteurs d’activité concernés
Du fait de l’utilisation massive de l’amiante en France pendant plus de 130 ans et de la multiplicité des usages industriels, de nombreux secteurs d’activité, professions et travaux ont été ou sont encore concernés par une exposition professionnelle à l’amiante.
Avant l’interdiction de l’amiante en 1997, la production et l’utilisation de l’amiante étaient les principales sources d’expositions professionnelles en France. Désormais, le secteur du BTP, incluant les travaux de retrait et d’intervention sur des matériaux et produits contenant de l’amiante, est le secteur exposant le plus de travailleurs. D’autres secteurs comme l’élimination de déchets, le transport, le secteur agricole sont concernés. De nombreuses activités professionnelles sont effectuées dans un environnement contaminé par l’amiante, par exemple dans les secteurs de l’administration, de l’enseignement ou de la santé.
Améliorer la traçabilité des expositions professionnelles des femmes
Les femmes étant peu nombreuses dans le BTP, les études épidémiologiques sont de fait principalement réalisées chez les hommes, mais cela ne signifie pas que les femmes n’ont pas de risques de santé liés à l’amiante. L’exposition professionnelle des femmes à l’amiante concerne en particulier la fabrication de textiles non inflammables. Certains secteurs les exposent aussi à l’amiante de façon indirecte, tels que le secteur de la santé, dans lequel les femmes sont surreprésentées. « Le groupe d’expert estime qu’il faudrait plus de données pour documenter l’exposition des femmes à l’amiante et les impacts sur leur santé », plaide Alexandra Papadopoulos.
De façon générale, l’Anses recommande une meilleure information des médecins et un meilleur accompagnement des travailleurs et travailleuses ayant été exposés à l’amiante et atteints d’un cancer du larynx ou des ovaires, ainsi que de leurs ayants droit, pour les aider dans leurs démarches de déclaration et de reconnaissance en maladies professionnelles.
Information donnée par l’ ANSES ( l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail)