e professeur Xavier Dufour du CHU de Poitiers et le docteur Olivier Choussy de l’Institut Curie à Paris ont présenté les différentes techniques de mise en place des implants phonatoires, ainsi que la prise en charge des complications pouvant survenir, notamment les fuites intra-prothétiques ou péri-prothétiques ou encore la colonisation par le Candida Albicans (champignon).
A l’Institut Curie, on constate 7 % de fuites péri-prothétiques (autour de la prothèse). A titre préventif, une attention toute particulière est apportée au diamètre de la prothèse lors de la première pose de l’implant. Une fuite nécessite le plus souvent de choisir un implant avec une plus large collerette. Des implants anti-fongiques existent également en cas de colonisation par un champignon.
Chez certains patients, les fuites à répétitions peuvent provenir d’une pression trachéale négative, qui fait alors s’ouvrir anarchiquement la valve de l’implant. Dans ce cas, la durée de vie est particulièrement courte en raison de fuites précoces à travers la prothèse ou d’une pression négative dans le pharynx/œsophage pendant la déglutition ou l’inspiration. Un nouvel implant, muni de petits aimants, est conçu pour empêcher l’ouverture accidentelle de la valve. Ce dispositif, d’un coût de 2 250 €, n’est pour le moment pas pris en charge par la Sécurité sociale. Il est possible toutefois d’obtenir des aides pour son financement. N’hésitez pas à contacter vos associations qui pourront vous renseigner.
Le docteur Benzakin, ORL à la Fondation A. de Rotshchild, a ensuite procédé « en direct » avec retransmission en vidéo, au remplacement d’un implant phonatoire sur un patient. Ce geste lui a requis une quinzaine de minutes et à aucun moment le patient n’a semblé indisposé ou douloureux. En France ce geste médical est pratiqué par les chirurgiens ou docteurs ORL, même en cabinet libéral. En Belgique, les orthophonistes sont habilités à le pratiquer à l’hôpital, sous la responsabilité d’un chef de service.
Une discussion s’est engagée sur la fréquence de nettoyage de ces implants par les opérés. Des soins quotidiens sont nécessaires, en général 2 à 3 fois par jour, après les repas ou en cas d’obstruction. A chaque opéré de trouver la fréquence de nettoyage de son implant, chaque fois que nécessaire (mais attention ni trop, ni trop peu).
La durée de vie moyenne d’un implant est estimée entre 4 et 6 mois. A Poitiers, 95 % des implants phonatoires sont posés en 1ère intention, c’est-à-dire lors de l’opération et on compte en moyenne 2.9 implants par an et par opéré.
Il est recommandé à chaque opéré porteur d’implant de se faire prescrire d’avance un dispositif et de l’avoir toujours avec soi, notamment en cas de déplacements.
Maya Hallay Dufour, orthophoniste, a rappelé qu’il était essentiel de rétablir la communication pour les laryngectomisés, l’objectif de la rééducation orthophonique étant de faire émerger une nouvelle voix, fonctionnelle et efficace.
Le principe de la voix trachéo-œsophagienne est d’utiliser l’air pulmonaire en le détournant de la trachée vers l’œsophage au moyen de l’implant phonatoire afin de faire vibrer la muqueuse pharyngo-œsophagienne reconstruite par le chirurgien (ou néoglotte) : c’est cette vibration qui va produire le son. Pour maîtriser cette voix, il est nécessaire d’obturer le trachéostome avec la pulpe des doigts (et non pas le bout des doigts) comme lorsqu’on joue de la flûte. Il est conseillé également d’utiliser la main gauche pour les droitiers et inversement, afin de conserver une certaine aisance dans les gestes. Ces conseils ne s’appliquent pas bien sûr aux implants « main libre ».
M Allali, orthophoniste et président de l’ADRMV, a lui présenté la voix oro-oesophagienne, dont le principe est d’apprendre à produire un son volontairement en mettant en vibration la bouche œsophagienne (entrée de l’œsophage) : on appelle cela l’éructation contrôlée.
L’apprentissage de cette voix est plus difficile et nécessite en moyenne 8 mois. Selon M Allali, l’acquisition de cette voix est utile même pour les opérés munis d’un implant phonatoire. Elle offre une plus grande autonomie (mains libres, pas d’entretien de l’implant phonatoire…) mais surtout elle permet de s’exprimer en cas d’échec avec l’implant phonatoire ou en cas de problème provisoire avec ce matériel.
Un laryngectomisé présent dans la salle et satisfait de l’implant phonatoire qu’il porte, est intervenu pour préciser qu’il venait de commencer l’apprentissage de cette nouvelle voix, craignant en vieillissant, de ne plus être capable d’effectuer les gestes nécessaires pour l’entretien de ce matériel (vue qui baisse, gestes moins précis, tremblements…). Là encore, les avis divergent. Au CHU de Poitiers, l’apprentissage de la voix oro-œsophagienne n’est pas proposée aux opérés porteurs d’implants.
L’apprentissage de ces nouvelles voix passe par des exercices bien codifiés, répétitifs, précis, pas toujours faciles. Plusieurs opérés présents (certains porteurs d’implants, bien rééduqués ou en début d’apprentissage) ont accepté de se prêter au jeu afin de nous faire partager leur parcours en exécutant plusieurs exercices. Ces séances d’orthophonie semblent très fatigantes et requièrent de la motivation et du courage. Une complémentarité doit aussi exister entre les centres de réadaptation qui accueillent les laryngectomisés en séjour et les orthophonistes en ville lors du retour au domicile.
En cas d’échec dans l’apprentissage de ces deux voix, la voix prothétique, ou laryngophone, permet de s’exprimer oralement. Le principe est d’utiliser un vibrateur externe pour mettre en vibration l’air naturellement contenu dans les cavités buccale et pharyngée afin de produire un son et de remplacer la vibration manquante des cordes vocales par un appareil électronique. Il convient de placer l’appareil sur la peau du cou et d’articuler sur le son produit pour le transformer en parole. Là encore, Mme B. a bien voulu échanger avec la salle à l’aide de ce dispositif. La voix est artificielle, un peu robotisée et nécessite l’usage d’une main. Mme B. nous a précisé débuter l’apprentissage de la voix oro-œsophagienne avec M Allali.
Il est important de savoir que chaque opéré peut et doit trouver le moyen de communication qui lui convient le mieux.
La journée s’est terminée avec la présentation des différents dispositifs de protection des voies respiratoires et leurs fixations, avec la participation des sociétés Atos, Ceredas et Collin, présentes tout au long de la journée.
Un dernier point a été abordé concernant les prescriptions qui peuvent être délivrées directement par les orthophonistes. Selon un arrêté du 30 mars 2017 paru au JO du 4 avril 2017, « lors des soins orthophoniques reçus par un patient, l’orthophoniste est autorisé, sauf indication contraire du médecin, à prescrire à ce patient les dispositifs médicaux suivants : • accessoires pour prothèse respiratoire : protecteur de douche, calibreur et support de trachéostome, adaptateur de canule • accessoires pour valve automatique « mains libres » : adaptateur, kit de réglage, kit de nettoyage. »
Toujours selon ce même arrêté, « lors des soins orthophoniques reçus par un patient, l’orthophoniste est autorisé, sauf indication contraire du médecin, à renouveler pour ce patient une prescription médicale d’un des dispositifs médicaux suivants : • canule trachéale • dispositif pour prothèse respiratoire : boitier standard, boitier obturateur, embase, piège à secrétions, filtres et adhésifs • dispositif à usage unique pour prothèse respiratoire : cassettes, supports de cassette autoadhésif • valve pour phonation « mains libres » pour prothèse respiratoire. »
Un grand merci aux organisateurs de cette journée, aux intervenants et aux laryngectomisés présents qui ont bien voulu témoigner et participer.
Après une laryngectomie, le rôle de l’orthophoniste est essentiel. L’objectif premier de sa prise en charge est de rétablir la fonction de communication de l’opéré par l’apprentissage d’une nouvelle voix.
L’Union souhaite que cette journée permette à de nouveaux orthophonistes de s’engager auprès des laryngectomisés.
Marie-Claire Bouvet